Images de Jacques Trouvé à la galerie du coll. A-Camus (Villemur)

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Chute et l’envol

A la rencontre des images de Jacques Trouvé

Jusqu'au 31 mai à la Galerie du collège Albert-Camus

 

Ce qui est figuré nous renvoie au mythe, celui d’Icare, jeune homme grisé par l’irrépressible désir de s’élever.  Icare dont les ailes furent brûlées par la chaleur de l’astre solaire, puni peut-être, enivré certainement, par la lumière et l’altitude. Raison perdue. Ce corps ailé se profile ici au féminin et coudoie une autre figure familière, le torse dressé de La Victoire de Samothrace. Le frottement de ces deux figures issues d’un lointain passé donne déjà le ton. Ce qui se joue ici est duel, résolument suspendu, vibrionnant.

Cette aventure fébrile du mouvement, de la lumière et de la chaleur, l’artiste Jacques Trouvé nous la raconte en l’engageant sur son terrain, celui de la peinture, pour faire apparaître non pas tant une solution qu’une manière de suspendre (pour reprendre une formule de l’historienne de l’art Rosalind Krauss)

Détacher

Les éléments de ce corps ailé sont tout à la fois associés et détachés comme le sont les supports que l’on peut rapprocher ou disjoindre à loisir. Jacques Trouvé travaille sur des plaques de carton qu’il assemble au moment de l’accrochage. Sur le mur il dispose, il distribue les ailes, oriente les corps. Cet exercice déjà défait les repères, nie la gravité. Ces associations de surfaces sont donc modulables, et si l’on devine les limites de cette combinatoire, ce dispositif ouvre ostensiblement la voie à la déclinaison et à la variation, c’est un mode opératoire qui exprime à lui seul une forme de liberté.   

Ce sont aussi les formes qui se détachent du fond, ou est-ce l’inverse? Il est aussi difficile de distinguer le dessous du dessus que de situer le haut et le bas parfois, l’artiste procède par couches successives de peinture acrylique, des strates qui affleurent  par endroit  sous un badigeon pressé.

Décliner

L’usage d’un pochoir permet la reproduction à l’envi de cette silhouette dépourvue de tête et de bras, de ses ailes aussi. Lorsque les teintes se font terreuses, l’image des mains  préhistoriques inscrites en négatif sur la paroi rocheuse nous revient à l’esprit, nous rappelle combien ce geste de marquage et de masquage est ancien, primitif.

Le pochoir, surface évidée que l’on peut déplacer, renverser, inverser, autorise à la fois la répétition et la variation. Cette matrice formelle dépouillerait la forme de toute profondeur, la réduisant à l’état de silhouette, si elle n’était relayée par la couleur, qui lui redonne chair. Le sensible, le chaotique, sont livrés nus, instables mais contenus dans cet espace délimité par le pochoir, comme s’il nous était donné de les voir à travers une petite fenêtre.

En suspens

Jacques Trouvé, par ses choix (l’exercice de la variation, l’usage de motifs identifiables mais changeants, le déploiement en série), nous livre des images en train de se faire.  S’astreindre à des contraintes formelles (usage du pochoir, format rectangulaire du support, palette formelle et chromatique restreinte) libère l’expression. Ainsi avons-nous, face à ces images, la sensation  d’assister à un exercice d’improvisation, rythmé, pulsatile.

Cette  miraculeuse soudaineté de production que nous ressentons est réjouissante et illusoire. Cette illusion est rendue possible par l’introduction d’un désordre dans la couleur et la gestuelle, une inquiétude enthousiaste  qui laisse penser que l’image jaillit sans effort, spontanément équilibrée et juste (les propos en italique sont empruntés à l’ouvrage Humain, trop humain de Friedrich Nietzsche).

 

Sophie Bach, professeure d'Arts Plastiques,
responsable de la Galerie du collège Albert-Camus, Villemur/Tarn.

 

Une fiche visite d'exposition accompagne les enseignants qui le désirent. En lien.

Ci-dessous aperçu des œuvres de l'artiste dans le carton d'invitation au vernissage.

 

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