Nos collègues lisent… L’espèce fabulatrice, de Nancy Huston

Nourri de son expérience de l’écriture romanesque, de sa fréquentation des œuvres (Romain Gary, Hubert Nyssen, Danilo Kis, Roland Barthes…), et d’une vie que l’on devine intense, alerte et fort peu académique, l’essai-témoignage L’Espèce fabulatrice (2008), de la franco-canadienne Nancy Huston est un plaidoyer vibrant pour la fabulation, l’affabulation, l’art de se raconter des histoires et d’en raconter à son monde.

L’espèce fabulatrice de Nancy Huston

Bien loin d’être un vilain défaut, la narrativité fonde notre humanité : « La narrativité s’est développée en notre espèce comme technique de survie ». Dès lors, qu’est-ce que l’homme ? Le plus petit des grands primates certes, mais un primate qui par ses récits « dote le réel de sens ». Qu’est-ce que le moi ? Une fiction. Qu’est-ce que la guerre ? Une fiction, un tissu de récits. Qu’est-ce que l’information ? Une fiction, sous l’espèce particulière du « story telling ». Qu’est-ce qu’aimer quelqu’un ? « C’est reconnaitre, valoriser, activer ses histoires ». 

Au fil du livre, Nancy Huston passe ainsi en revue différents aspects de « l’Arché-Texte » de nos fabulations quotidiennes. Et l’auteure de nous saisir avec une familiarité et un esprit déconcertants, de nous surprendre également et de nous rapprocher un peu plus de nous-mêmes en des moments de révélation joyeuse :

Les pays où les individus ont le droit de retravailler les fictions identitaires reçues […] sont aussi les pays où sont écrits et lus des romans. / La littérature : quitter l’Arché-Texte. Dépasser les récits primitifs. / […] Concrètement, cela veut dire : à l’école […], apprendre aux enfants à se passionner pour la lecture tout court, leur donner  le désir – et la capacité – de dévorer la littérature du monde entier. / S’ils ne voient pas en quoi lire nous fait du bien, ils ne s’y intéresseront pas. Nous avons donc intérêt à savoir en quoi lire nous fait du bien. 

Julien