La ludification d'un contenu pédagogique, un nouveau mode d'apprentissage

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Ludification, Gamification, Serious Games, Serious Gaming, ludopédagogie sont autant de termes qui émergent ces dernières années pour décrire de nouveaux outils pédagogiques. Il n’y a qu’à constater le succès des escape games pédagogiques dans les nouvelles pratiques de classe pour se rendre compte que ces nouvelles approches pédagogiques s’installent peu à peu dans l’esprit des enseignants.
Au-delà de l’aspect attractif de ce type de ludification, pourquoi un tel succès ? Ludifier un contenu pédagogique peut-il être un véritable levier d’apprentissage ?

Article proposé par Natacha Dubois, médiatrice ressources et services, option numérique, Atelier Canopé 31, Toulouse

 

 

  • Définition et objectifs

La "gamification" désigne le fait de mettre du jeu dans du non ludique ; Le #SeriousGame consiste à mettre du contenu utilitaire dans un jeu ;

Le "seriousGaming" revient à détourner un jeu pour y mettre un message.

La "ludification" (ou "gamification") utilise des mécanismes et leviers empruntés aux jeux dans un contexte qui en est dépourvu à l’origine, comme une situation d’apprentissage par exemple.

Il ne s’agit pas d’introduire un jeu en tant que tel dans un contexte pédagogique mais d’utiliser certains de ces rouages. Cette situation ludifiée devra s’appuyer sur les 5 critères qui délimitent le jeu1.

-s’il choisit de s’engager dans l’action (1), de lui-même ou suite à un processus d’adhésion

-si ses actes s’inscrivent dans une réalité qui est la sienne, sans conséquence sérieuse dans le monde réel (2)

-s’il décide librement de ses modalités d’action (3), dans un cadre défini (règles sociales ou/et règles de jeu)
si les finalités du jeu sont incertaines (4) (les élèves qui adhèrent à l’activité ne savent pas qui va gagner au final)

-Si l’activité est limitée en temps et dans l’espace (5).2

Ces mécaniques de jeux, empruntées généralement aux jeux vidéo, sont pensées comme des facteurs engageants qui favoriseraient l’entrée dans l’activitéet cette notion de plaisir optimal appelé par  Mihály Csíkszentmihályi  le Flow, qui  est  « un état mental atteint par une personne lorsqu'elle est complètement immergée dans ce qu'elle fait, […]  et qu'elle  éprouve alors un sentiment  d'engagement total et de réussite ». Cela signifie qu'« une tâche sera d'autant plus facilement réalisée par un individu, qu'il éprouve de plaisir à le faire » (Alvarez et Djaouti, 2010).

La gamification est donc un levier de motivation et d’attention car il permet aux élèves de rentrer plus facilement dans l’activité et ce, de manière durable.

Cela serait propice à la transmission et l’acquisition des connaissances et compétences. Mais il ne suffit pas de jouer pour apprendre : il faut en effet distinguer le jeu pédagogique du jeu tout court.

 

  • Intérêts de la ludification

Avoir recours à des mécaniques empruntées au jeu permet de faciliter la motivation à court terme en proposant des ressorts ludiques comme :

- Les points
- Les récompenses
- Les niveaux à atteindre
- Des tableaux de classement

Par ailleurs, il est envisageable de motiver à long terme en faisant appel à des mécaniques intrinsèques au jeu : plaisir pour jouer, autonomie, apprentissage, pouvoir, amour/émotions ou encore identité de groupe.

La ludification permettrait également de :

- Personnaliser l’apprentissage
- Lutter contre le mauvais stress (dédramatisation de l’erreur)
- Favoriser l’entraide
- Obtenir des feedbacks réguliers

Si la ludification est réfléchie comme une activité de groupe, elle favoriserait bien évidemment la cohésion d’équipe et encouragerait les échanges et les confrontations d’idées.

 

  • Les éléments de la ludification

Pour développer les usages de la ludification, il est important de connaître les concepts inhérents au jeu. Si plusieurs référentiels existent, nous pouvons nous baser sur les travaux de Yu-Kai Chou, pionnier de la gamification depuis 2003. Son modèle, l’octalysis, permet d’évaluer le degré de gamification  d’une activité. En voici les 8 concepts4 :

- Le sens épique : donner du sens à une action, donner l’impression d’une implication dans une mission qui dépasse le joueur ;
- L’accomplissement : validation de compétences, de niveaux, de progression ;
- L’acquisition : obtention d’un statut, d’un avatar ;
- La rareté : saisir l’opportunité quand elle se présente ;
- L’évitement : la peur de perdre ;
- La curiosité et l’imprévisibilité : avoir l’envie de découvrir la suite, ne pas savoir à quoi s’attendre ;
- Le social : travail en  collaboration ou compétition ;
- L’empowerment : l’amélioration de ses capacités, la créativité.

Afin d’être complètement ludifiée, une activité doit s’appuyer sur l’utilisation maximale de ces huit concepts.

 

  • Mise en place de la ludification : outils et méthodes

Lors de la création d’une activité ludifiée, l’objectif d’apprentissage doit être clairement défini.

L’enjeu est de bien calibrer la difficulté, afin de conserver l’attention des apprenants en s’inspirant d’un des concepts utilisés dans beaucoup de jeux vidéo d’aventure qui est l’ajustement  dynamique  de  difficulté(ADD). Certains  jeux vidéo sont en effet construits pour offrir au joueur un apprentissage progressif, continu et logique, adapté aux compétences et performances du joueur. Ainsi la difficulté du jeu est adaptée à la progression de l'élève dans le jeu, les épreuves proposées ne sont ni trop faciles ni trop difficiles.

Les dynamiques de groupe sont à considérer ; les interactions interpersonnelles peuvent influencer la disposition affective de l’élève. La gamification offre à l'apprenant, par la  mise  en situation,  la  possibilité de développer  des capacités et des habiletés. L'atmosphère bienveillante introduite par le jeu y contribue.

 

Natacha Dubois, médiatrice ressources et services, option numérique, Atelier Canopé 31, Toulouse

 

 

1 Concepts définis et développés par Gilles Brougères dans son ouvrage Jouer/apprendre (2005), Johan Huizinga dans son ouvrage Homo Ludens(1938) et par Roger Caillois dans son ouvrage Les Jeux et Les hommes (1958).

2 Source : document de cadrage Eduscol : Ressources maternelle : Jouer et Apprendre (septembre 2015)

3 Marine Loyen, Responsable communication de l’organisme de formation professionnel Unow

4 Source : Sarah Lachise, Coordonnatrice au numérique éducatif et à l'innovation chez Réseau Canopé