Enjeux identitaires de l’apprentissage d’une langue étrangère par des élèves sourds : variations du rapport à soi et aux autres

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Enjeux identitaires de l’apprentissage d’une langue étrangère par des élèves sourds : variations du rapport à soi et aux autres:  (Bedoin, 2012)

Accroche

Apprentissage d’une langue étrangère chez les jeunes sourds : les effets sur la représentation de soi et des autres

Problématique

En quoi l’apprentissage d’une langue étrangère redéfinit les rapports entre les élèves français entendants et sourds et entre les élèves français et étrangers ?

Synthèse de l’article : Cet article examine les enjeux pragmatiques et sociaux de l’apprentissage d’une langue étrangère vocale par les élèves sourds. Il s’interroge également sur l’utilité d’apprendre une troisième langue vivante..
       Diane Bedoin, commence par explorer les liens entre surdité, langage et identité. Elle explique que la langue maternelle peut faire référence à la langue transmise par la mère, à la première langue acquise au cours de l’enfance ou à la langue d’appartenance acquise au sein d’un groupe dont on fait partie. Elle précise que 90 % des enfants sourds naissent de parents entendants locuteurs de la langue française mais que deux cas de figure sont à distinguer : lorsqu’un enfant grandit dans une famille sourde (parents + enfants sourds), la langue des signes sera considérée comme la langue maternelle des sourds. A l’inverse, si l’enfant grandit dans une famille entendante (avec un enfant sourd), la langue maternelle varie. Rappelons aussi que l’enfant sourd s’identifie et est inévitablement identifié au sein de la communauté sourde par son utilisation de la langue des signes. De fait, la langue des signes est la langue naturelle des enfants sourds. Par ailleurs, la langue des signes est considérée comme une aide pour la maîtrise de la langue majoritaire nationale chez l’enfant sourd. L’apprentissage d’une langue étrangère vocale serait valorisant et enrichissant pour les élèves sourds qui seraient replacés sur un pied d’égalité avec leurs camarades entendants. Enfin, cet apprentissage pourrait permettre, par un effet de rétroaction, de favoriser la maîtrise de la langue nationale vocale ou signé chez ces élèves.
       Diane Bedoin met également l’accent sur le lien qui existe entre la construction identitaire chez l’enfant sourd dans l’acquisition de sa langue maternelle et dans l’apprentissage d’une langue étrangère. Elle explique que l’on considère la surdité comme « rapport » et l’identité comme « processus » et montre que la recherche d’identité chez l’enfant sourd est tout aussi forte que chez un enfant entendant car celui-ci va chercher à appartenir à un groupe auquel il peut s’identifier et de fait se démarquer des membres des autres groupes jugés comme différents. Elle s’interroge par la suite sur les effets que l’apprentissage d’une langue étrangère vocale produit sur soi, sur l’image de soi et sur l’image qu’en ont les autres. 
      Une recherche d’une durée d’un an et demi a été menée dans 6 établissements reflétant la diversité des modes de scolarisation des élèves sourds en France. Les résultats recueillis en entretien et en classe nous montrent qu’il existe une distance entre sourds et entendants. Les élèves qui ont des parents sourds ou qui ont eu accès à la langue des signes dès la petite enfance revendiquent de manière plus importante leur appartenance à une communauté culturelle et linguistique et se montrent par conséquent moins enclin à l’apprentissage de l’anglais qu’ils perçoivent comme une langue d’entendants. 
     L’apprentissage d’une langue étrangère par les élèves sourds n’est pas valorisant et enrichissant pour l’ensemble des élèves rencontrés. Le rapport des jeunes sourds aux langues et cultures étrangères est complexe et varie selon l’environnement familial, scolaire et social. La plupart des jeunes enquêtés sont perplexes quant à l’utilité de l’apprentissage de l’anglais. Pour certains jeunes, l’anglais est réservé aux entendants. Pour d’autres, l’apprentissage de la langue française a plus de valeur qu’une autre langue étrangère car ils vivent en France, ce qui révèle leur forte appartenance à la communauté nationale. D’autres jeunes estiment que la rencontre avec un sourd étranger suffit pour apprendre une langue des signes étrangère et qu’il n’est donc pas nécessaire d’apprendre une langue étrangère. Enfin, une minorité d’entre eux insistent sur l’importance d’apprendre l’anglais afin de communiquer avec des locuteurs natifs qu’ils soient entendants ou sourds.

Référence exacte (norme APA)

Bedoin, D. (2012). Enjeux identitaires de l'apprentissage d'une langue étrangère par des élèves sourds: variations du rapport à soi et aux autres. (R. d. l'éducation, Éd.) Erudit, 38(1), 47-69. doi: https://doi.org/10.7202/1016749ar

Rédacteurs de la fiche

Kelsey KUJOTH, Marion GOASDOUE, Thomas DEJEAN - 2019-2020

Avis personnel

C’est un article très intéressant et toujours d’actualité. Le plan est clair et structuré. Aussi, Diane Bedoin apporte des preuves permettant à l’article de gagner en crédibilité (témoignages de chercheurs, statistiques, enquête ethnographique menée dans plusieurs établissements différents). Le seul point faible de l’article est que l’enquête ne s’est concentrée que sur l’apprentissage de l’anglais. Il aurait été intéressant de voir l’impact et le ressenti des jeunes français entendants et sourds quant à l’apprentissage de l’espagnol par exemple.