Mon œil ! Art et philo sur Fce Culture

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Voit-on vraiment ce qu'on regarde ? Suffit-il d'ouvrir les yeux pour voir ce de quoi le monde est fait ? Se mettre dans l'œil du peintre pour regarder avec lui comment le monde advient dans le visible comme le dit Adèle Van Reeth dans son programme des Chemins de la philosophie, une émission sur France culture du 30 janvier au 2 février en 4 épisodes, dont deux nous intéressent spécialement:

  • Merleau Ponty, L'œil et l'esprit. "Le peintre, quel qu'il soit, pendant qu'il peint, pratique une théorie magique de la vision." A retrouver sur le site : Mon œil ! 1/4.
    Avec Lambert Dousson, agrégé et docteur en philosophie, enseignant à l'École Nationale Supérieure d'Architecture de Montpellier.

 

  • Daniel Arasse. L'œil de l'artiste. Dans un tableau, l’œil ne voit-il que ce qu'il sait ? Comment l'historien de l'art Daniel Arasse explore-t-il les détails ? A retrouver sur le site : Mon œil ! 4/4
    Avec Jacqueline Lichtenstein, philosophe, professeur des Universités, Directrice de l'UFR de Philosophie-Sociologie à la Sorbonne et responsable de la spécialité Esthétique et philosophie de l'art.

Beau texte en exergue d'une des émissions :

La plupart des gens y voient par l’intellect bien plus souvent que par les yeux. Au lieu d’espaces colorés, ils prennent connaissance de concepts. Une forme cubique, blanchâtre, en hauteur, et trouée de reflets de vitres est immédiatement une maison, pour eux : la Maison ! Idée complexe, accord de qualités abstraites. S’ils se déplacent, le mouvement des files de fenêtres, la translation des surfaces qui défigure continûment leur sensation, leur échappe — car le concept ne change pas. Ils perçoivent plutôt selon un lexique que d’après leur rétine, ils approchent si mal les objets, ils connaissent si vaguement les plaisirs et les souffrances d’y voir, qu’ils ont inventé les beaux sites. Ils ignorent le reste. Mais là, ils se régalent d’un concept qui fourmille de mots. (…) Ces beaux sites eux-mêmes leur sont assez fermés. Et toutes les modulations que les petits pas, la lumière, l’appesantissement du regard ménagent, ne les atteignent pas. Ils ne font ni ne défont rien dans leurs sensations. Sachant horizontal le niveau des eaux tranquilles, ils méconnaissent que la mer est debout au fond de la vue ; si le bout d’un nez, un éclat d’épaule, deux doigts trempent au hasard dans un coup de lumière qui les isole, eux ne se font jamais à n’y voir qu’un bijou neuf, enrichissant leur vision. Ce bijou est un fragment d’une personne qui seule existe, leur est connue. Et, comme ils rejettent à rien ce qui manque d’une appellation, le nombre de leurs impressions se trouve strictement fini d’avance ! 

Paul Valéry, Introduction à la méthode de Léonard de Vinci, Pléiade, p.1253