Des élèves impliqués dans la vie du CDI

Par Caroline Delsart

  • Comment responsabiliser des élèves au sein du CDI afin qu’ils intègrent des valeurs solidaires et citoyennes ? Réflexion sur la notion de médiation. Regard sur notre posture de professeur documentaliste.
  • Quelles activités pour ces élèves « responsables » ? Réflexion sur la mise en place de tutorat, l’apprentissage par les pairs, la coopération. Regard sur la posture de ces élèves.
  • Pourquoi et/ou pour quoi responsabiliser des élèves ? Réflexion sur les apports de ce changement de posture élèves/élèves et adultes/élèves. Quels changements dans les relations ?
  • Quelles modifications du lieu CDI ? Regard sur les changements d’espaces liés aux changements de posture.

 

Constats :

L’idée d’impliquer des élèves dans la vie du CDI est née de l’observation du quotidien et répond à deux types de besoins.

 

Premier besoin, exprimé par les élèves

En effet, chaque année, depuis mon entrée au collège (septembre 2008), des élèves formulent le désir, l’envie d’aider aux diverses activités du CDI. Ceux sont souvent des élèves qui fréquentent de manière très régulière le CDI, participent aux différentes actions menées et sur des temps d’étude, où peut-être ressentent-ils un début d’ennui, se manifestent spontanément auprès de nous pour nous proposer leur aide.

 

Deuxième besoin, exprimé par le professeur documentaliste

Le collège des Clauzades est le plus gros collège du Tarn en terme d’effectif avec presque 1000 élèves. Un seul poste de profdoc semble souvent insuffisant. Heureusement, la présence d’une AED à mi-temps, plus la venue ponctuelle de deux autres AED permet le déroulement de nombreuses activités au CDI. Néanmoins, l’idée de responsabiliser des élèves pour aider à la gestion, à l’animation peut-être envisagée comme une possible réponse aux multiples activités.

 

Mise en oeuvre :

Réunir les élèves

Après les vacances de la Toussaint, j’ai rédigé un article sur le Blog des Clauzades afin d’essayer de recruter des élèves volontaires. J’ai également communiqué par voie d’affichage, mais aussi, en le proposant directement aux élèves fidèles du CDI.

 

Image
2.jpg

La première réunion était fixée au 18 novembre 2017 ! Malheureusement, beaucoup de changements d’emplois du temps ce jour-là et peu d’élèves présents (12 élèves dont 8 troisièmes).

J’ai démarré la séance par un brainstorming : « ça veut dire quoi pour vous s’impliquer dans la vie du CDI ? »

Ma collègue de technologie, très investie dans la mise en œuvre de la coopération entre élèves lors des séances d’Accompagnement Personnalisé était présente. Nous avons terminé la séance en prenant connaissance de la disponibilité de ces douze élèves. Ceux-ci étaient déjà très investis dans d’autres activités sur la pause méridienne (clubs, Association sportive…). J’ai très vite compris que je ne pourrais donc pas fonctionner avec une réunion hebdomadaire entre midi et deux heures.

Début décembre, j’ai fixé une nouvelle réunion en tentant de convoquer tous les élèves volontaires.

Je suis revenue avec les élèves présents sur le brainstorming précédent questionnant l’implication des élèves dans la vie du CDI. Nous avons tenté ensemble de classer les idées des élèves dans différentes catégories d’activités. J’ai souhaité que les élèves se positionnent sur une action en réfléchissant « à ce que cette réalisation d’action aller leur apporter à eux, mais aussi aux autres ».

J’ai enfin demandé aux élèves de réfléchir à la dénomination de ces élèves investis de nouvelles fonctions. Le terme « d’assistant CDI » ne me semblant pas approprié.

L’étape suivante a donc été de constituer des groupes avec des rendez-vous différents en fonction de leurs disponibilités. Cette étape m’a demandé beaucoup de temps. J’avais en effet une vingtaine d’élèves avec des emplois du temps très différents et des heures libres éparpillées sur la semaine.

Au final, je suis arrivée à établir quatre créneaux différents d’une heure chacun afin de travailler avec tous les élèves volontaires. Ce qui n’est pas simple pour organiser la formation à la coopération et à la médiation.

 

Retour d’expérience :

  • L’auto-initiative

A veille des vacances de noël, une élève faisant partie de ce groupe « d’assistants CDI » a pris l’initiative de réaliser un sapin avec de nombreux livres documentaires. Les étagères se sont vidées petit à petit. La réaction des autres usagers du CDI a été très enthousiaste. Certains sont venus spontanément aider à la réalisation de ce sapin, d’autres ont réalisé des origamis pour sa décoration. De nombreux selfies ont été réalisés par les élèves.

 

Image
5.jpg

Je ne pensais pas que la réalisation de ce sapin, et surtout son désassemblage entraînerait une véritable coopération entre élèves. Au retour des vacances, j’ai proposé à des « assistants CDI », de faire le tri dans tous les livres documentaires du sapin. Ils avaient pour première mission de réaliser des piles de livres documentaires à désherber. Ensuite, de classer ces piles de livres selon leurs choix et enfin de me proposer des solutions quant à l’aménagement de l’espace documentaire et à sa valorisation. Ils avaient toute la liberté pour cela. Ces élèves sont venus plusieurs heures sur leur temps libre. Les échanges ont été riches. D’autres élèves présents au CDI sont venus spontanément partager leurs idées avec les « assistants CDI ». Les regarder discuter, échanger, coopérer pour trouver des solutions a été formidable ! Ces élèves ont investi l’espace. Je leur ai dit que ce n’était pas gênant si il y avait des piles partout. Mon changement de posture a été d’aller vers un plus grand lâcher prise, une confiance accrue dans les élèves. De leur côté, ils ont pu développer leur autonomie, leur sens de initiative, leur coopération et leur créativité. En effet, l’espace des documentaires va être entièrement repensé grâce à l’apport des élèves.

Parmi les autres surprises, des élèves ont organisé une pause musicale avant les vacances de noël. Je ne suis pas intervenu dans leur organisation et ce fut un moment très agréable et apprécié par les autres élèves. Les élèves ont pris possession des lieux. Une élève a réunit des élèves musiciens, réalisé les invitations et confectionné des gâteaux !

  • Développer la coopération

Au mois de janvier, j’ai souhaité réunir tous les « assistants CDI » lors d’une même séance afin de les mettre tous en situation de coopération grâce à différents défis tel que «le défi chamallow», présenté ici dans un billet d’Héléne Mulot. J’ai heureusement obtenu l’autorisation de les réunir sur une même heure de cours. J’ai ainsi tenté de les initier aux notions de coopération et de tutorat. Je leur ai présenté « le brevet de tuteur », proposé par Sylvain Connac.

  • Prise de conscience d’une communauté

Depuis, les élèves ont réfléchi au terme « d’assistant CDI ». Je leur ai proposé de lister tous les mots qui définissent ce qu’ils vivent en tant qu’ élèves impliqués dans la vie du CDI afin de porter un regard sur leur posture d’élève et de réfléchir aux apports de ces nouvelles missions.

A l’issue de nos échanges, nous sommes arrivés à ce nuage de mots :

 

Image
10.jpg

La notion de communauté est devenue évidente. Plusieurs propositions de noms ont vu le jour pour remplacer le terme trop restreint d’« assistant CDI ».

 

Image
11.jpg

ECOdAC
Équipe Coopérative d’Assistants Créateurs

 

Image
12.jpg

CoLECTIF
Communauté Laboratoire d’Expériences Créatives Tremplin d’Initiatives Facilitées

CoLECTif a été choisi. Les élèves ont réalisé des badges afin d’être repérés par les autres élèves et ainsi pouvoir leur proposer leur aide et vivre pleinement leur nouveau rôle de tuteur. La difficulté pour les plus jeunes est d’oser proposer leur aide aux plus grands. Pour pallier à cela, dès qu’un élève du CDI a besoin d’aide, et si je sais qu’un autre élève du groupe CoLECTif est présent et est capable de répondre à cette demande, je les mets en relation.

 

Image
1.jpg

Par la suite, j’ai dû redemander aux élèves de reformuler leur motivation car je me suis aperçue que de nombreux élèves souhaitaient rejoindre le groupe CoLECTif. Je voulais comprendre pourquoi. Une des raisons évoquées est de pouvoir prendre place derrière mon bureau (grande banque de prêt) et changer ainsi de rapport avec les autres élèves. Cette révélation me pousse aujourd’hui à ré-envisager l’espace occupé par mon bureau. Le changement de posture du professeur documentaliste s’accompagne nécessairement d’une réflexion sur l’aménagement des espaces.

Le premier changement a été de créer un espace réservé aux élèves du CoLECTif afin qu’ils puissent réellement investir les lieux.

Une autre raison citée à demi-mot par les élèves est d’accéder à des privilèges, pouvoir emprunter davantage de documents sur des périodes plus longues, venir plus souvent au CDI… Cela me pose beaucoup de questions. Je n’ai pas envie de créer un groupe d’élèves privilégiés mais de transformer le CDI en communs comme le précise Hélène Mulot. La communauté doit se penser ouverte.

Il est donc nécessaire de former les élèves à ces nouvelles fonctions. Je ne suis qu’au début de ma mission de médiatrice auprès de ces élèves.